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Entretien
avec Jacques Gay
Depuis
combien de temps vous êtes vous penché sur
l'étude de la position des violonistes et altistes
et de mentonnières sur mesure ?
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Jacques.Gay - Depuis 1979. Jouant du violon
moi même, j'ai vraiment compris à cette époque
l'importance de la tenue instrumentale, pour se libérer
(autant que possible) d'un ensemble de problèmes
techniques enchevêtrés:
sonorité, position du pouce inadaptée, angles,
stabilité dans les démanchés, vibrato:
vitesses et synchronisme des notes vibrées avec
l'expression de l'archet, avec les douleurs qui surviennent
lorsqu'on travaille trop sans pour autant aboutir aux
résultats escomptés ! ...
Plus jeune, j'avais fait la prestigieuse Ecole BOULLE
dans l'atelier roi: l'atelier de sculpture qui est sans
doute l'un des meilleurs ateliers au monde.
Il s'agissait dans un premier temps de séparer
les différentes fonctions mises en oeuvre pour
jouer du violon, ou de l'alto et analyser ce qui se passe
en sériant les problèmes afin de hisser
la prise de conscience progressivement à un niveau
d'efficacité réelle.
Pour cela j'ai rencontré beaucoup de gens dans
les différents domaines auxquels les violonistes
s'adressent ou auxquels ils ont recours: instrumentistes
français et étrangers, dans différents
domaines d'expression musicale: solistes, professeurs
de conservatoires, pédagogues, écoles de
musiques / masterclasses, luthiers, écoles de lutherie,
médecins, médecine des arts, rhumatologues,
orthopédistes, ostéopathes, étiopathes,
thérapeuthes chinois, kinésithérapeuthes,
associations, écrivains traitant du rapport avec
l'instrument ou avec la lutherie à cordes frottées
et portés, rédacteurs de magazines spécialisés,
acousticiens, labos d'acoustique musicale, spécialistes
de l'oreille, psychologues ...
Je me suis assez vite aperçu, qu'il y avait un
grand vide dans la connaissance de cette question de la
tenue. Chaque corporation ou secteur d'intervention manquait
de données d'appréciation, parfois très
sévères. Les professeurs de violon et Alto
ont parfois des idées, mais les leurs et aucune
autre, qu'ils veulent faire appliquer pour leurs élèves
petits ou adultes et ont des difficultés à
comprendre qu'en fait si l'on peut effectivement préconiser
une manière d'aborder l'instrument, le corps ne
réagit pas de la même façon et ce
qui conviendra très bien à l'un sera un
martyr pour un autre: conformation des membres, épaules,
maxillaire, hauteur du cou, clavicule, musculatures dorsales,
de la coiffe, des bras, des mains.
Ce qui va faire la singularité expressive de chaque
musicien passe beaucoup par sa singularité physique.
En fonction de ce que la nature lui a donné il
produira du son d'une manière différente
d'un autre: certains auront beaucoup de facilité
pour éxécuter des staccato volants, des
sautillés ou autres spicatos, d'autres ayant des
mains très mobiles focaliseront davantage leur
jeu sur des nuances ou virtuosité de manche.
En principe chaque enseignement tend vers les mêmes
buts, mais dans les faits, le jeu en liaison très
étroite avec des données auditives, le timbre
et l'émission de l''instrument ( rapidité
ou non - la possibilité offerte par l'intrument
de jouer très doucement ou non), avec l'ensemble
de paramètres physiologiques et de controles, le
musicien deviendra distinct d'un autre.
L'école russe en particulier, très exigente,
considère qu'il est normal d'avoir mal lorsqu'on
arrive à des résultats de très haut
niveau, c'est le prix à payer!
On
sait ce qu'il est advenu de la carrière de Maxime
Vengerov après avoir eu des années glorieuses!
Pour avoir
été éduqués dans ce sens,
notamment avec ce modèle de virtuosité russe
si flamboyante, beaucoup de violonistes et altistes considèrent
que c'est effectivement normal et ne veulent rien dire
des douleurs qu'ils éprouvent lorsqu'ils ont des
services ou répétitions trop longs, ou qu'ils
travaillent chez eux en faisant un forcing acharné
pour arriver à surmonter des difficultés
terribles comme certains Caprices de Paganini, concertos
ou autres, cela ferait très mauvais effet et pourrait
nuire gravement à leur carrière. Ils vont
consulter, le plus souvent en secret et souffrent en silence.
Je veux leur dire, que dans la plupart des cas rien n'est
perdu pour eux et que la conjonction: étude très
soignée de leur position, soins médicaux appropriés,
plaisir retrouvé de jouer, transformera leur vie
de musicien.
Au fil du temps, avec l'expérience vécue
je crois avoir acquis un savoir faire assez solide pour
détecter presque immédiatement ce dont a
besoin l'instrumentiste.
La plupart du temps les problèmes de justesse,
sonorité, liberté de l'archet, tensions,
douleurs excessives, (déjà rencontrés
chez des étudiants), coexistent et s'ajoutent les
uns aux autres de façon à ce que l'instrumentiste
ne se retrouve plus avec lui même, ce qui engendre
souvent une sorte de sentiment de culpabilité de
ne pas pouvoir faire coincider sa volonté (imagination,
connaissances techniques, sentiment expressif) avec le
jeu en situation réelle !
Cette dichotomie a des effets très perturbateurs
sur la personnalité tant au plan musical que psychlogique,
voire dévastateurs.
Ma plus grande fierté est d'avoir résolu
pratiquement tous les problèmes qui se posaient
à moi, lors de l'étude de la position des
instrumentistes, depuis le début de mon activité.
Il est arrivé au début que je m'y reprenne
à deux fois pour quelques uns, mais depuis plusieurs
années, les instrumentistes repartent immédiatement
totalement comblés et me recontactent pour me dire
que leur sonorité s'est transfigurée qu'ils
jouent sans douleurs et me remercient chaleureusement.
Pour moi qui joue du violon et qui suis exposé
aux mêmes problèmes que les instrumentistes
auxquels je propose mes services, c'est une immense satisfaction
de recueillir cette reconnaissance de leur part, c'est
un formidable moteur.
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Depuis
combien de temps exactement faites vous des mentonnieres
sur mesure ?
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Jacques.Gay - Depuis 1980.
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Vous
avez commencé par réaliser des mentonnières
pour les grands luthiers français, c'est bien ça
?
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Jacques.Gay - Oui, après
avoir concrétisé dans la pratique les problèmes
qui se posaient avec autant de méthode que possible
et leur avoir apporté des solutions d'abord empiriques
puis progressivement (en 2 ans) nettement plus satisfaisantes,
je me suis lancé. J'ai d'abord rencontré
quelques luthiers pour leur proposer mes services: Jean
Luc Siret à Toulouse, puis Jean Yves Rouveyre à
Valence puis à Lyon, Schmitt à Lyon, Vatelot,
Boyer, Millant, Quenoil, Sabatier, Lannes, Camurat, Tinel,
Pavie à Paris, auprès desquels j'ai obtenu
un très vif succès en 1 année au
terme de laquelle j'ai pris contact avec des luthiers
internationaux, mais toujours en privilégiant les
luthiers de France. Je suis devenu ami avec bon nombre
de luthiers parisiens et de province tels que Jean Bauer,
Patrice Taconné et bien d'autres qui m'ont contacté,
mon travail étant dés lors bien connu de
la profession et des instrumentistes.
En 1980 j'ai notamment rencontré Geneviève
Hoppenot qui m'a fait faire un pas de géant dans la compréhension de la tenue instrumentale. Elle posait
le problème, mais sans pouvoir y répondre
exactement et surtout sans pouvoir garantir que ses propositions
pouvaient convenir à tous ses élèves.
Elle voulait que j'applique un principe de tenue du violon
plus horizontal en ayant le moins possible recours au
coussin ou épaulière - tenue d'archet: bras
plus haut, pour une meilleure mobilité. Je me suis
" trituré le ciboulot" pendant des mois
et réalisé une quantité de modèles
dans le sens de ce principe, jusqu'à la limite
de l'excès, pour finir par comprendre qu'elle avait
raison mais partiellement seulement.
Lorsque j'ai entendu un jour Tibor Varga, élève
de Enesco ( comme Yehudi Menuhin que j'ai également
rencontré), parler sur
France Culture, lors
d'un entretien radiophonique , j'ai eu la révélation
des paramètres qui me manquaient pour commencer
à entrer pleinement dans le vif du sujet. Il disait
qu'en entendant la sonorité souple et fluide de
son maître, avait germé le besoin incoercible
de percer le secret de cette sonorité inimitable,
alors qu'avec le même violon, lui n'arrivait pas
à obtenir ce son inégalable. Un soir assis
sur son lit, se remémorant une phrase qui stigmatisait
toute la différence entre sa sonorité et
celle de Enesco, il a soudain compris que chaque note
est associée à une intention qui induit
un synchronisme archet / nuance sur la note. Une
simple nuance sur la note correspondant
à une"
amorce de vibrato" lui a permis de
comprendre qu'il n'y avait pas que des notes "jouées
justes" et d'autres "vibrées" mais
l'existence d'une palette de "vitesses de vibrato",
longueurs, nombres d'oscillations ( paires ou impaires)
qui font toute la différence entre un jeu souple
et vivant, quasiment interactif avec le parlé de
l'archet et un jeu terne insatisfaisant dans lequel le
vibrato n'est pas correctement maitrisé et qui
n'apporte le plus souvent à l'expression
qu'un sentiment convenu, et encore dans le meilleur des
cas, lorsque le vibrato n'est pas bêlant !
Cette prise de conscience m'a permis d'observer chez de
nombreux violonistes qu'ils pratiquaient le vibrato sur
le mode "marche - arrêt", moi même
je me suis trouvé dans ce cas.
Cette révélation m'a permis de compléter
et de nuancer les propositions de Madame Hoppenot, et
je peux dire que dés lors, je savais faire une
bonne mentonnière ou tout au moins j'étais
vraiment bien guidé pour donner à mon tour
des conseils de position allant dans le bon sens.
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Avez-vous
pu vous extraire vous même de ces habitudes acquises
chez beaucoup d'instrumentistes, dont il est difficile de
se débarasser et comment avez-vous pu mettre en pratique
pour les autres ce que vous avez perçu et appliqué
pour vous même ?
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Jacques.Gay - Justement,
c'est cette difficulté qui est à l'origine
de ce qui m'est apparu comme une grande découverte.
Parfois il faut en baver pour parvenir à passer
un cap ! C'est comme un puzzle dont il
manquerait un élément pour pouvoir l'adresser
en cadeau et que l'on retrouve soudain. C'est surtout
le vibrato bêlant, banal ou vulgaire qui m'a interpellé
et aiguisé ma conscience de m'en défier
comme de la peste.
Avec l'expérience de la tenue instrumentale
que j'avais mis au point avec Madame Hoppenot ( c'est elle qui a écrit le livre: "
le violon intérieur"), j'ai compris assez vite que la plupart des violonistes (plus
que les altistes, car malgré le poids de leur instrument
les éclisses de l'alto sont plus hautes), voulaient
garantir leur confort grace au coussin ou l'épaulière,
mais un grand nombre d'entre eux ne prenaient pas en compte
la stabilité de l'appui sur la clavicule, ayant
de ce fait un vibrato aléatoire quasi vertical,
dont l'effet mécanique (dans le meilleur des cas,
car le plus souvent il est incontrolable) est en partie
du à l'effet de bascule.De ce fait, ils ne pouvaient
pratiquer le véritable vibrato, celui qui est horizontal,
volontaire qui module la hauteur de la note et constitue
la base de l'expression de la note vivante
synchronisée avec l'archet. Cela
peut paraitre évident à beaucoup de Violonistes
et Altistes, mais je puis vous assurer que dans la pratique
ce n'est pas le cas du tout pour beaucoup de ceux qui
m'ont consulté, y compris des instrumentistes confirmés ! et j'ai fait
plus de 4 000 mentonnières à la main depuis
le début de mon activité.
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Peut-on
estimer que ce défaut très répandu
est à l'origine de frustrations et de tensions chez
les instrumentistes à cordes frottées portés comme l'Alto et le Violon ?
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Jacques.Gay - Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est
sans doute l'un des points qui est le plus à l'origine
du blocage de l'ensemble d'autres synchronismes, comme
le sautillé, la longueur d'archet, la vitesse d'éxécution,
les démanchés, double cordes périlleuses
( la montagne inaccesible pour beaucoup) etc...
Beaucoup d'instrumentistes restent accoutumés à
cette limitation de leur jeu, s'en rendant compte ou non
d'ailleurs.
Ayant pris conscience de la pourtant évidente relation
entre l'appui claviculaire et la qualité de la
sonorité, beaucoup d'instrumentistes qui ont adopté
ce principe que je considère élémentaire,
et donc la position que je leur ai proposée, se
sont placés sur le bon chemin et ont éliminé
les tensions, retrouvant des sensations hautement satisfaisantes
de "passer" des traits ou des phrases qui représentaient
auparavant des écueils insurmontables sans qu'ils
comprennent exactement pourquoi.
Le secret de la libération pour ces instrumentistes
consiste bien à établir avec chaque note
émise une relation vivante.
Pour y parvenir il faut déjà prendre conscience
de cela et se le représenter comme un facteur mutiplicateur
de sensations pour mieux l'intégrer définitivement.
Ensuite lorsqu'on a adapté la position, ce principe
élémentaire place d'un coup le musicien
sous les meilleurs auspices possibles afin de pouvoir
jouer en " passant les caps difficiles " de
ces synchronismes auparavant insurmontables, qui font
la différence.
L'instrumentiste peut commencer à voir enfin plus
loin musicalement que ce pensum qu'il s'infligeait de
répétitions interminables des mêmes
traits insatisfaisants.
Naturellement
il existe plusieurs autres sources de tension, liés
à des secteurs d'expression ou la technique joue
un rôle primordial ! dans tous les cas la
bonne position qui se "fait oublier" facilite
les choses et permet à l'esprit de mieux se concentrer
et rester plongé dans la musique.
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Vous
semblez accorder encore plus d'intérêt au plaisir
de jouer qu'au confort à proprement parler ?
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Jacques.Gay - Il s'agit de restaurer
le confort, soit, mais bien au delà, de restaurer
le confort tout en permettant de revenir sur la voie de
"progrès épanouissants". Le caractère
roboratif de l'expression vivante retrouvée et
du plaisir de jouer est dans bien des cas la source principale
de détente et de réduction de ces tensions
terribles que peuvent ressentir les instrumentistes qui
n'atteignent pas leur but autrement que par un travail
besogneux et entêté, bien que celui-ci puisse
donner des résultats incontestables, mais au prix
de quels efforts et tensions!
En fait, plus encore que la rigueur et la méthode,
oui je pense que c'est le plaisir de jouer qui détient
le plus de levain pour rendre la musique attrayante et
c'est pourquoi, il faut arriver à oublier la notion
de position après avoir fait toutefois le nécessaire
pour s'en libérer. Avec le plaisir de jouer, le
panorama expressif se déploie naturellement vers
de nouveaux horizons de progrès ou d'exploration.
La Callas disait " pour bien chanter, il faut avoir
de bonnes chaussures", si l'image est forte et parait de prime abord
un peu excessive dans son adapatation
avec la tenue du violon et à l'alto par sa relation
avec l'instrumentiste, elle est pourtant très parlante et devient une évidence pour ceux qui ont deja ressenti son effet.
Bien sûr il y a eu Paganini, qui jouait sans mentonnière, ( quoiqu 'il utilisait savamment le creux formé entre le cordier et la table du violon),
mais à part quelques exceptions, musique baroque
notamment, depuis Louis Spohr, contemporain de Beethoven,
on peut difficilement faire l'impasse sur la question
de la tenue, il y a trop de choses en jeu, tant au plan de l'osmose entre le violoniste dans toute son entité et son violon et donc de la qualité musicale, du temps consacré
à entretenir sa technique qu'au plan de la santé.
En effet la santé, est bien ce qui compte finalement le plus pour beaucoup de violonistes, lorsqu'on a atteint un point de non retour
avec des douleurs récurrentes difficiles à
traiter, qui peuvent survenir très tôt, si
l'on n'y prend pas garde. J'ai vu beaucoup de jeunes gens
travaillant beaucoup avec une position déplorable
et ayant des douleurs plus ou moins infernales. Dans la
majeure partie des cas, chez les jeunes, la simple correction
de leur position a éliminé aussitôt
les douleurs: couple tension tendineuse physique / tension
par peur de mal faire. Chez les personnes plus agées
qui ont pratiqué leur instrument avec une position
inadaptée ayant installé des douleurs tenaces,
le problème est différent, il faut corriger
sur deux plans: la tenue de l'instrument avec la réadaptation
que cela suppose et traiter l'affection sur le plan clinique.
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Les
instrumentistes ayant des douleurs depuis plusieurs années
sont-ils soulagés rapidement ?
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Jacques.Gay - Après
la correction de leur position, je me suis rendu compte
qu'ils ont une facilité de réadapation toujours
rapide qui est directement en rapport avec le soulagement
qu'ils éprouvent immédiatement à
pouvoir régler les difficultés techniques
qu'ils connaissent particulièrement bien.
Dans certains cas, le corps
peut refuser une position et en accepter une nouvelle,
ce n'est pas pour autant que le problème est totalement
réglé, pendant un temps la
nouvelle position corrigera la précédente
( exemple pincements latéraux C5 C6 C7 ) mais un
nouveau problème surviendra tôt ou tard.
Plusieurs facteurs peuvent être favorisants ou handicapants
lorsque la positions est changée, les chaines tendineuses
et musculaires ayant été habituée
à travailler selon certaines conditions. Le mieux
selon moi est de rectifier de suite la position pour optimiser
la position idéale et accompagner le plaisir retrouvé
de jouer que j'ai généralement constaté
par des exercices de yoga / bu qi - massages de qualité
( attention pas n'importe quoi ) - régîme
diététique que je recommande - boire plus
d'eau, plus alcaline: Vichy Saint Yorre, pour limiter
l'acide urique
Pour les douleurs locomotrices tenaces, pincements, pérarthrite,
capsulite, tendinite, arthrose avec formation calcique,
le problème est plus sérieux: il faut consulter
et traiter, se ménager, du repos, préserver
la mobilité des rotations par les exercices appropiés,
des massages précis et les traitements de gens
très compétents.
A ce titre je me suis rapproché de l'association
considérée à juste titre comme la
plus compétente en France, constituée pour
1/3 de médecins rhumatologues éminents et
de patients atteints d'affections sérieuses qui
connaissent admirablement leur sujet.
J'en dirai plus dés le début 2009 après
avoir pu confirmer l'intérêt pour les musiciens
atteints de problèmes justifiant une prise en charge
médicale, de consulter auprès de ce groupe
de praticiens. Sachez déjà qu'ils sont jeunes,
se tiennent informés et font des formations continues
qui leur permettent de se
tenir vraiment au fait des traitements les plus efficaces.
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Nous
savons tous que vous avez réalisé des mentonnières
pour les plus grands violonistes classiques, surtout par
l'intermédiaire d'Etienne Vatelot, notamment ?
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Jacques.Gay - Oui c'est exact, mais j'ai aussi réalisé
directement des mentonnières et réglé
leur position pour les violonistes de jazz. J'ai travaillé pour
tous les intrumentistes à
cordes qui me le demandaient, tous genres et niveaux confondus
avec un égal souci de bien faire, qu'ils soient Henryk Szeryng, Stéphane Grappelli, L.Subramaniam,
Anne Sophie Mutter, étudiants hors pair, Shlomo Mintz, violonistes
amateurs, Itzhak Perlman, musicien folk, Isaac Stern,
1er prix de Paris, 1er prix de Londres, Maxime Vengerov, violonistes et altistes
courants d'orchestre, Didier Lockwood, quatuor, Régis
Pasquier, solistes, Amoyal, français ou étrangers
... Beaucoup de violonistes ou altistes jouent sur mes
mentonnières sans que je les connaissent, l'ayant
acquis par l'intermédiaire de Etienne Vatelot /
Jean jacques Rampal, le plus souvent ou par d'autres luthiers
célèbres.
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Comment
faites vous dans la pratique avec les musiciens qui vous
sollicitent ?
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Jacques.Gay - D'abord on communique par
téléphone, pendant une heure environ, selon
les cas. Je les écoute
et leur suggère de se poser la question sur eux
mêmes, de ce qui ne va pas, de ce qu'ils ressentent
profondément, de s'efforcer de formuler autant
que possible ce qui se passe dans leur jeu et leurs sensations,
afin de me procurer des indices me permettant de travailler
plus efficacement lors de leur venue.
Je leur donne les conditions: à savoir ils doivent
venir chez moi où ils sont hébergés
et nourris afin qu'ils se sentent comme chez eux en situation
très relaxée. En général je
leur suggère de consacrer trois jours pour être
vraiment sûr qu'ils repartiront totalement satisfaits,
plutôt qu'il persiste un léger doute qui
pourrait continuer de semer le trouble dans leur esprit
après leur retour. Nous prenons rendez-vous. J'essaye
autant que possible de les arranger en tenant compte de
leur calendrier de concerts ou autre.
Généralement ils viennent en train ou en avion pour les étarngers,
je vais alors les chercher avec leurs instruments.
Ensuite, dés leur arrivée, je les mets à
l'aise, ils jouent à leur manière, soit
les pièces en cours de travail / répétitions,
soit ce qu'ils veulent mais avec le souci de conserver
bien à l'esprit qu'ils sont là pour corriger
leur position, non pour aucune autre raison et je les
observe. Nous parlons, je leur donne déjà
des pistes globales applicables à tous, ils rejouent
en ayant conscience de ces nouvelles perspectives qui
s'offrent à eux, nous parlons de nouveau, je mets
le doigt de façon plus précise sur les points
que j'ai détectés, et très fréquemment,
ce sont les mêmes erreurs qu'on retrouve, ils rejouent
jusqu'au point d'établir un climat relationnel
autant de confiance que de relaxation, ce qui est capital
pour la suite du temps passé ensemble où
ils vont avoir eux aussi à fournir un gros travail
sur eux mêmes tant pour apprécier les différences
entre les solutions que je leur soumets qu'en jouant plus
que de coutume, ce pourquoi l'aspect de relaxation confiante
est si important. Un repas pris ensemble contribue efficament
à cette nécessaire détente.
Après celui-ci, dans tous les cas je mobilise l'attention
de l'instrumentiste sur la nécessité de
l'appui claviculaire.
Ensuite, après qu'il ait accepté et intégré
ce principe, ce qui n'est pas toujours très facile,
car la sensation de sécurité que leur offre
le coussin s'oppose dans 40% des cas à cette décision
de modifier leur appui triangulaire: > 1 appui claviculaire
- 2 appuis thoraciques, qui sera désormais plus
mobile sur le thorax, bien qu'en appui sur la clavicule,
on passe à la phase d'essai de formes très
différentes pour concrétiser de façon
nette les directions possibles ou impossibles, déjà
en terme de confort et d'angles et vérifier les sensations, la bonne position du cou
dans le but primoridal d'éliminer les tensions
ou de les limiter au maximum .
Après cette étape cruciale et déjà
6 à 7 heures passés ensemble, dans laquelle
j'ai beaucoup à observer le corps , la façon
de se tenir, et percevoir les sensations parfois presque
non dites des instrumentistes pendant qu'ils jouent et
essaient, on parle encore et on passe à une phase
de première décision d'orientation si je
sens que je tiens suffisamment le bon bout au niveau du
règlement de la position en terme d'angles: longueur
et positionnement en hauteur du bras droit, angle d'attaque
des cordes, position de l'appui par rapport à l'axe
de l'instrument, hauteurs droite gauche de la mentonnière,
hauteur et bonne position du cou, positionnement de l'appui
de la mentonnière sur l'instrument lui même,
solutionnement du problème de hauteur par rapport
au cordier dans de nombreux cas, forme interne de la mentonnière,
accès à différentes positions sur
celles ci et bien sûr choix du bois. J'utilise de
très beaux bois, mais le plus souvent lors de la
première ébauche j'utilise un beau bois
certes mais avec le souci de pouvoir le trvailler sans
trop de difficultés et de ne pas avoir à
lui faire subir de traitement qui retarderait les premiers
essais sérieux...
Je réalise ensuite une première ébauche
juste la face qui est fixée sur un violon pour
essais.
L'instrumentiste joue, on affine, il rejoue, on affine
!
Lorsqu'on a atteint un degré de qualité
assez nette, la mentonnière est fixée sur
son violon, toujours à l'état d'ébauche
sur sa face antérieure et l'instrumentiste considére
que cette mentonnière est pratiquement déjà
la bonne, on adapte la position du coussin avec toute
sorte de subterfuges c'est le plus souvent ce que je fais
pour ne pas trop modifier les sensations et créer
un trouble dans le jeu qui perturberait l'ensemble du
travail réalisé, mais parfois aussi on le
change ou bien on le retire purement et simplement.
Il joue ensuite comme en situation de concert ou de concentration
maximum pour mettre le plus de sensations possibles à
l'épreuve de ce premier essai décisif. Pour
cela il peut changer de pièce pour retrouver une
acoustique connue ou approchante. Je le laisse livré
à lui même pendant au moins une demi heure.
Pendant ce temps là, je commence à travailler
sur une réplique soit identique comportant des
différences, soit un autre principe aboutissant
à un résultat similaire afin que l'instrumentiste
puisse comparer. Il faut noter qu'on peut aboutir aux
mêmes très bons résultats en adoptant
des formes de mentonnières très différentes,
aussi étrange que cela paraisse.
Pendant les comparaisons successives des modèles,
les informations récoltées me permettent
d'affiner encore mieux l'ensemble des paramètres
de formes sur les deux ou trois modèles que je
suis amené à réaliser. de cette façon,
l'instrumentiste et moi même sommes toujours en
action tendus vers l'objectif d'optimisation maximum.
C'est pourquoi, lorsque l'instrumentiste repart, il est
toujours entièrement satisfait, que ses mentonnières
soient ou non finies. généralement il repart
avec une et reçoit l'autre par la Poste quelques
temps après.
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Quels
sont vos tarifs ?
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Jacques.Gay - En général, le tarif se situe entre155€
à 160 € par jour tout compris (tarif
2008 - 2009),
pour 9 à 10h de travail, souvent plutôt 10
à11h en fonction des circonstances.
Parfois, j'ai affaire à des
étudiants qui sont vaiment trop démunis
et je leur applique un tarif de complaisance.
Parfois, les problèmes
à résoudre sont très aigus et je
dois réaliser 3, 4 ou 5 mentonnières avant
de trouver la solution et en ce cas le tarif est réévalué
en fonction du travail à fournir et de la qualité
des bois, des traitements à réaliser, de
la qualité du vernis au tampon. Il ne m'est pas
arrivé très souvent d'avoir autant de travail
pour la même personne, mais c'est arrivé.
En ce cas l'intensité et la charge de travail est
telle que j'en ressort totalement épuisé,
et de plus je dois finir les mentonnières pour
les envoyer plus tard après avoir laissé
sécher les vernis au tampon et avoir récupéré,
ne pouvant pas honorer d'autres rendez-vous pendant ce
temps
Dans tous les cas, nous nous entendons toujours avec l'intrumentiste,
car il constate que je me livre totalement à son
cas et il sait qu'il repart avec la solution à
son problème de position ce qui est pour lui comme
pour tous ceux que j'ai rencontrés une immense
évolution. Nous restons d'ailleurs en contact,
sur le plan musical ou humain, mais nous ne parlons de
la position que pour dire qu'ils n'y pensent plus, car
leur problème est toujours réglé.
j'en suis très heureux.
Jacques Gay en 1993
Jacques Gay en 2013
Jacques Gay en 2016 en Aveyron devant la porte
de son ami le luthier François Grimaux
à CARMAUX - Canitrot
Jacques Gay fin 2016
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